« Grand », « joli garçon »… Bref, Robert d’Arbrissel était un beau gosse. « Bon, il était hirsute et en guenilles », s’amuse la guide médiatrice Zoé Wozniak. Petit rire dans le groupe de visiteurs de l’abbaye royale de Fontevraud (Maine-et-Loire).
Ce matin d’automne 2018, on est une petite trentaine à écouter la guide dans ce qui est considéré comme la plus grande cité monastique d’Europe : l’abbaye royale de Fontevraud. Un endroit majestueux, séparé à son origine, en 1101, en quatre monastères. Et, surtout, le lieu de repos éternel de rois et reines d’Angleterre tels Aliénor d’Aquitaine ou son célèbre fils, Richard Cœur de Lion (souvenez-vous, c’est là où j’ai passé ma nuit avec des rois et des reines mort(e)s !).

Mais ils ne seraient pas là sans l’existence de ce « joli garçon en guenilles » : le moine Robert d’Arbrissel. « C’est le pape Urbain II qui lui proposa de fonder sa communauté à Fontevraud, ici, dans un vallon », explique la guide.
L’homme partait de loin : de Bretagne, d’Ille-et-Vilaine, et plus précisément d’Arbrissel (tiens donc), où il est né vers 1055-1060. Prêtre marié, il fiche le camp pour vivre sa meilleure vie dans le Sud-Mayenne, dans la forêt de Craon, où il devient… ermite.
Le syneisaktisme, une pratique sympa
Robert d’Arbrissel, qui a fait des études théologiques à Paris, « parle très très bien ». Il intrigue les habitants. Les passionne. Une petite communauté commence à se former autour de lui dans les bois : des hommes, des femmes, et parmi eux, des prostituées, des clercs.
Une réputation sulfureuse entoure le moine. Et pour cause : son dada, c’est de dormir tout nu avec des femmes dans la forêt. Une pratique nommée le syneisaktisme, et qui consiste à mettre à l’épreuve sa foi (car, comme vous l’aurez deviné, le but, c’est de ne pas toucher).
Une pratique pas vraiment au goût des autorités locales (tu m’étonnes). Elles décident vite d’élever des logements pour que chacun ait son espace. L’abbaye de La Roë voit le jour vers 1096 (elle a disparu aujourd’hui).

Mais Robert d’Arbrissel ne s’arrête pas là. Il repart prêcher sur les routes, suivi par des centaines de personnes. Et bâtit donc, avec ces hommes et ces femmes, l’abbaye de Fontevraud, fondée sur les principes de Saint-Benoît (pauvreté, chasteté, silence)(oui, leur slogan c’était pas « grosse marrade »).
Ah, Robert d’Arbrissel, ce grand humaniste… Et un grand féministe aussi ? Il eut l’idée, scandaleuse à l’époque, de placer une femme, une abbesse, à la tête de cette communauté mixte. La guide brise de suite nos espoirs. « S’il a fait ça, c’est qu’il pensait que, si les hommes souffraient l’humiliation des femmes toute leur vie, ils mériteraient encore plus le paradis ».
Ah ouais. Sympa.

La cité monastique de Fontevraud durera 700 ans, avant de devenir une prison sous Napoléon Ier. Ses derniers détenus la quittèrent en 1963 ! Depuis, l’abbaye est devenue un centre culturel accueillant pléthore d’expositions.
Et Robert d’Arbrissel ? Il continua à prêcher sur les routes de France. Et, à sa mort, en 1116 ou 1117 on ne sait pas trop, légua son corps à l’abbaye de Fontevraud. « À la fin de sa vie, il était suivi par un biographe en vue de sa canonisation », se souvient la guide. Avant de sourire : « Inutile de dire que ça n’a jamais marché. »
Très chouette article, avec tout ce qu’il faut d’humour, ça me donne envie d’en savoir plus sur ce moine en guenille pratiquant le syneisaktisme ^^
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