Bretagne

Quand une statue a foutu le souk total dans une ville de Bretagne

Ils sont quatre, assis sur un petit banc, face à l’eau, à Tréguier (Côtes-d’Armor). Quand je prononce les mots « calvaire de réparation », leurs yeux s’agrandissent. « Ah oui, il est juste là-bas ! » s’exclame une femme en tendant son doigt. « Vous savez qu’il est lié à la statue devant la cathédrale ? » me fait un homme. Il agite la main. « Ça a fait un sacré souk dans la ville ! Je crois qu’il y a même eu des blessés ! »

Quelques minutes plus tard, je suis devant les grilles qui me séparent du calvaire. Il est gigantesque : trois croix (avec Jésus, bien sûr, clouée sur la centrale), trois personnages éplorés à leur pied (ainsi qu’un maudit Romain), des marches, des statues dans tous les coins (coucou Jeanne d’Arc)… On n’a pas fait les choses à moitié.

Le « calvaire de réparation ». Ouais, balèze.

Et pour cause : ce calvaire est donc un « calvaire de réparation », inauguré en 1904 par les catholiques en signe contre protestation. Mais en signe de protestation contre quoi ? Une statue. Et pas n’importe laquelle : celle d’Ernest Renan, enfant du pays.

Il est né ici, en 1823. D’ailleurs, on peut encore visiter la maison familiale, qui a été transformée en musée. À l’intérieur, objet et documents ayant appartenu à celui qui se définissait comme « philosophe-historien ». Son principal fait d’arme : la publication en 1863 du livre « La vie de Jésus »…qui conteste la nature divine du Christ. Autant dire que, à peine cinq ans après l’apparition miraculeuse de Lourdes, pas mal de Français s’étranglent en voyant ça.

Ernest Renan en train de surveiller du coin de l’oeil les cataholiques.
Sa jolie baraque (à droite).

Bref, vous avez compris : Ernest Renan n’est pas vraiment le pote des catholiques. Sauf qu’en 1903 (Renan est mort en 1892), la République décide d’ériger une statue à sa gloire…en face de la cathédrale. Et, pour enfoncer le clou : en mettant à ses côtés la déesse Athéna, personnifiant l’intelligence et protégeant les arts, les sciences et les techniques.

La statue par laquelle le drame arriva…

Les catholiques de tout Tréguier sont en PLS. Il ne faut pas laisser faire une chose pareille ! Le jour de l’inauguration, le 13 septembre 1903, place du Martray, c’est la guerre. Cléricaux et anti-cléricaux se foutent sur la gueule avec joie (Ouest-Eclair a écrit en long large et travers là-dessus, mais je vous préviens, c’est imbitable). Bon, « rien de grave », relativise quand même le journal, qui parle quand même de « trois ou quatre bagarres violentes ». Finalement, la statue sera inaugurée par le président du Conseil des ministres, Emile Combes.

Les catholiques ont la rage : le 19 mai 1904, ils inaugurent leur calvaire de réparation, en présence du cardinal Labouré. Et toc.

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